Jerome Poulalier

English version here.

Au bord du parc national Big Bend au Texas se trouve un petit passage frontalier. Un bateau de fortune y effectue des voyages à 5$ pour entrer au Mexique, sous réserve de s’être acquitté de la taxe en vigueur pour passer le poste de frontière. Depuis 2014, le contrôle migratoire y est intense, de chaque côté. Cinquante mètres et une rivière nous séparent de la petite ville de Boquillas, que l’on rejoint à dos d’âne ou en Jeep une fois en terre mexicaine. Dans ce petit village de 200 personnes à peine, le tourisme garantit le pain quotidien des enfants, qui courent dans les rues à la poursuite des innombrables chiens… Entrer à Boquillas est un voyage dans le temps. De l’autre côté du Rio Grande, les hommes montent encore à cheval et les femmes tissent des draperies colorées ou des figurines perlées qui sont destinées à être vendues aux quelques visiteurs…

De petits bars servent d’excellent tamales accompagnés de bières locales ou autres délicieuses tequila. Les paysages montagnards et désertiques s’accordent avec les fils à linge. Seule limite entre deux pays, cette rivière marque pourtant un fossé culturel qui s’étend sur plus de 1600 kilomètres.

Avant le 11 septembre, ce petit village était la destination parfaite pour une excursion rapide. Toute son économie dépendait même de ce commerce touristique et de l’ouverture des frontières : le premier fournissait des emplois aux résidents, la seconde leur permettait de s’approvisionner auprès des commerces américains, géographiquement plus proches. En traversant simplement une rivière.

De 2002 à 2014, la peur s’empare, la frontière est fermée et des voisins deviennent alors étrangers. Le village autrefois prospère ne fut bientôt qu’une ville fantôme. Boquillas s’oppose donc à la définition même des témoignages économistes en matière de frontières et du fameux «Border Effect». Boquillas est tombé une fois, mais demeure malgré tout.

A sa réouverture de 2014, très peu de choses ont changé. Tellement peu qu’aucune annonce officielle n’a été faite par les gouvernements. Pourtant, le village existe encore. Il possède même à présent son propre réseau électrique alimenté par des panneaux solaires et dispose de quelques téléphones connectés par une seule antenne. Internet n’est en revanche pas encore au programme.

Découvrez quelques images issues du reportage disponibles sur la boutique : Damaged Film (photo d'ouverture), Black Bulls et Big Bend National Park

Using Format