Jerome Poulalier

 

Une photo une histoire :

Alvaro et ses dollars.

 

 

Le contexte de la photo : le reportage Being Blind 

Aujourd’hui c’est sur cette photographie d’Alvaro que je souhaite revenir. Après avoir reçu une invitation de sa part sur Linkedin il y a quelques jours, je me suis souvenu à quel point l’intégration et le développement professionnel des non-voyants était un obstacle majeur de leur quotidien.

Alvaro est un des premiers aveugles à m’avoir accordé du temps à Dallas dans le cadre du reportage Being Blind, que je réalisais pour la Dallas Lighthouse for the Blind, désormais devenue Envision

Après un accident qui lui décolle la rétine à l’âge de 4 ans, il subi plus de 45 interventions chirurgicales pour tenter de lui rendre la vue, qu’il perdra finalement 4 ans plus tard. Lors de notre rencontre en 2016, Alvaro, 34 ans, est un père épanoui, employé de la Dallas Lighthouse, et laisse transparaitre un enthousiasme rayonnant. Il avoue même oublier parfois qu’il est aveugle, se considérant suffisamment chanceux de toujours pouvoir marcher, parler, utiliser ses mains et s’occuper de sa fille. 

Il m’emmène alors dans un restaurant mexicain sur Capitol Avenue où je découvrirai pour la première fois l’horchata (boisson sucrée mexicaine à base d’eau, de poudre de riz, de lait et de cannelle) et les tamales, devenus une véritable addiction culinaire depuis (difficile à assouvir en France…).


 

La photo et son explication : Be My Eyes, l’application pratique.

Lors de nos premiers échanges dans ce même restaurant, Alvaro me partage sa passion pour la technologie, et les différents outils qu’il utilise au quotidien pour se faciliter la vie, mais aussi pour éviter les arnaques courantes ciblant malheureusement les personnes malvoyantes. Parmi ces outils, une application du nom de Be My Eyes, propose de mettre en relation les non-voyants avec des bénévoles, qui, via l’application et la visio, peuvent commenter en direct ce que la personne souhaite identifier. Alvaro me montre alors comment l’application fonctionne, se connecte et s’identifie via la camera (photo), puis demande au bénévole qui a pris l’appel de lui identifier le billet qu’on vient de lui rendre comme monnaie au restaurant.

En effet, aux Etats Unis, tous les billets font exactement les mêmes dimensions, ils sont donc absolument impossibles à différencier pour les non voyants. Le bénévole lui confirme qu’il s’agit bien d’un billet de 5$, tout va bien, Alvaro le remercie et se déconnecte.

 

 

La suite de l’aventure avec Alvaro

Nous allons ensuite à son domicile, je demande alors son adresse pour l’entrer dans le GPS et nous y conduire, mais Alvaro refuse et commence à me donner les indications… “Gauche, droite, la prochaine au feu après la station“. Après plus de 15 minutes à m’épater avec ses capacités mémorielles, nous arrivons chez lui, où il me montre à quel point il peut être créatif avec l’utilisation de sa machine à écrire en Braille. Mais cela fera peut être l’objet d’un autre article, tout comme lorsqu’il m’a fait essayer son implant BAHA, qui lui permet de compenser sa surdité, apparue quelques années après sa cécité. Ci-contre, une photo d'Al devant son tirage grand format exposé à Dallas après le reportage.

 

Parmi nos multiples échanges il évoque aussi son rapport à la musique et les portes que cela lui a ouvert, la fois où il a joué devant George W. Bush lorsqu’il était Gouverneur du Texas, mais aussi les leçons de Taekwondo qu’il a suivi avec Chuck Norris lorsqu’il était adolescent.

Alvaro est définitivement un personnage haut en couleurs, plein de surprises, impressionnant de talents et de bonne humeur. Les yeux rivés vers l’avenir, il veut être un modèle pour sa fille, lui prouver qu’on peut accomplir ses projets, même avec un handicap. Il terminera notre entretien avec cette phrase :

"A blind person is like an eagle, as long as you have your wings up and spread you’ll be able to fly and go anywhere."

 

 

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